Les colons : l’ennemi intérieur d’Israël 

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Si Sharon souhaite réellement rendre Gaza aux Palestiniens, il sera comme Rabin en ligne de mire des intégristes juifs, prêt à tuer au nom de dieu plutôt que de rendre un territoire qu’ils considèrent comme faisant partie de la Terre promise…

Ceux qui pensent que les intégristes juifs n’ont aucun pouvoir de nuisance, contrairement aux intégristes musulmans, se bercent d’illusions. D’une certaine façon, ces intégristes là sont un peu l’enemi intérieur d’Israël. Depuis 1973, des groupes comme le Goush Emounim organise l’implantation de colons, souvent des familles ultra-religieuses relativement démunies du point de vue économique, pour mieux rendre impossible toute rétrocession territoriale. A leurs yeux, céder le moindre bout de terre revient à rennoncer à la Terre promise et donc à voir s’éloigner le retour du Messie sonnant la réconciliation avec l’Eternel… C’est dire s’ils sont déterminés à bouter le moindre char, fussent un char de Tsahal, qui viendraient déloger leurs colonnies.

L’Etat Israélien a joué avec le feu en croyant pouvoir instrumentaliser ces groupes. Ces forces d’occupation d’apoint n’hésiteront pas à tirer sur des soldats Israéliens le jour où ceux-là viendront leur demander de déménager. En 1995, lorsque Rabin envisageait sérieusement le déplacement de certaines colonies, l’ancien grand rabbin d’Israël, Schlomo Goren, avait appelé l’armée israélienne à la désobéissance civile. Yitzhak Shamir prédisait qu’Israël allait vers « la guerre civile ». La guerre civile a bien eu lieu, même si elle n’a fait qu’un seul mort : Yitzhak Rabin, tué par un extrémiste juif le 6 novembre 1995. Une mort dont se sont félicité des rabbins intégristes comme Elon : « Le pays était au bord de la guerre civile, l’assassinat l’a révolue. » Ce cynisme en dit long sur l’impact de la détermination intégriste en Israël. Aujourd’hui encore, ils sont nombreux à rendre hommage au meurtrier de Rabbin, Yygal amir. Sans parler de ceux qui vont se recueillir chaque année sur la tombe de Baruch Goldstein, ce militant ultra-orthodoxe ayant tué 29 Palestiniens après ouvert le feu sur dans le caveau des Patriarches à Hébron, le 25 février 1994. Il a été lynché par les survivants du massacre et sa tombe est devenu un lieu de pèlerinage pour fanatiques. Tuer et mourir au nom de Dieu n’est pas le monopole des intégristes musulmans… Les intégristes juifs savent faire aussi. Et on pourrait bientôt les voir à l’œuvre. Les démocrates Israéliens préfèrent se rassurer en pensant que les colons sont essentiellement motivés par des questions économiques et sociales. Mais depuis que Sharon a proposé des compensations financières (3 à 400 000 euros) aux familles qui accepteraient de déménager, en mai 2005, très rares sont ceux qui ont accepté. Les autres, l’immense majorité, restent pour des raisons religieuses et ne comptent pas déménager de sitôt. Selon un sondage, 80% d’entre eux ne croient pas que les colonies seront démentelées dans les 15 ans. Certains sont prêts à tout pour bloquer le processus. Déjà, comme en 1995, des rabbins intégristes relancent le chantage à la désobeissance civile.

Le 14 octobre dernier, l’ancien grand rabbin Ashkénaze d’Israël, Abraham Shapira, a pris position contre le démentelement : « L’expulsion des juifs de leurs maisons est un délit comparable à la transgression du shabbat ou la consommation d’aliments non casher. Un soldat n’a pas le droit de démanteler des localités juives en terre d’Israël ». Une soixantaine de rabbin a signé une pétition dans ce sens. Si le démantèlement de colonie comme Goush Katif se précise, les choses monteront d’un cran. Les Femmes en Vert, un groupe qui a violemment manifesté contre Rabin, pourrait bien être l’un de ces grain de sable bloquant les projets du gouvernement Israélien. Sa leader, Nadia Mattar, sera bientôt entendue par la justice Isréalienne pour avoir traité Yonathan Bassi, en charge du démantèlement de Goush Katif, de « Kapo ». Depuis des années, l’organisationt tisse des liens avec des militaires Israéliens en leur apportant un soutien « moral », ce qui est un mot poli pour parler de propagande politique. Cette proximité avec les soldats peut lui permettre de convaincre certains de désobéir plutôt que de participer au démantèlement. Plus inquiétant encore, le mouvement de bienfaiteurs du Temple, un groupe qui s’est donné comme objectif de reconstruire le Temple d’Hérode (c’est à dire à la destruction de la Mosquée Al Aqsa), a déjà prevenu qu’en cas de démantèlement de Goush Katif des actions pourraient être menées sur l’esplanade des mosquées

 

Fiammetta VENNER 

Article paru dans Charlie Hebdo du 20 octobre 2004