La semaine dernière, le gouvernement pakistanais a capitulé devant les taliban, leur accordant la pleine administration d’une région, loi islamique comprise.
« La charia pour la paix ». C’est sous titre, à quelques variations près, sans même un point d’interrogation, que de nombreux journaux a travers le monde ont commenté l’ultime concession du gouvernement pakistanais aux talibans qui grignotent son territoire : l’application complète de la charia dans la vallée de Swat, en échange de l’arrêt des combats. L’idée n’est pas neuve. Et elle a fait ses preuves…
Le 18 mai 2008, le gouvernement local de la Province de la Frontière du Nord-Ouest avait déjà signé un accord avec les groupes taliban. Contre un cessez-le-feu, la charia serait appliquée dans sept zones : Malakand, Swat, Shangla, Kohistan, Le Bas Dir, le Haut Dir et Chitral. 45% de la province est cédée aux taliban, en charge désormais de l’administrer. Mais comme les combats n’ont jamais cessé, l’armée pakistanaise était restée présente et la charia n’était appliquée que lorsque les gros bras taliban le décidaient.
Néanmoins, en respect des accords, dès le mois de juin 2008, a tous les étages de l’administration, comme dans les commissariats ou les tribunaux, des responsables taliban étaient disponibles pour « aider » à ce que les décisions soient prises en conformité avec la charia. Les juges qui n’auraient pas une « bonne » connaissance de l’islam devaient laisser la place à des juges adeptes de la loi islamique. Les tribunaux devenant habilités à rendre la justice selon la loi des taliban : amputation de la main, coups de fouet, lapidation. Et, malgré la poursuite des combats, les procédures judiciaires concernant 524 activistes taliban de la région furent abandonnées.
Le détail des négociations à Swat et Malakand fût connu en septembre. Un accord de 14 points avait été conclu entre les représentant du mollah Fazlullah et les représentants de la province. 1- Imposition de la charia sur les deux districts. 2- Retrait progressif de l’armée pakistanaise 3- Echange de prisonniers entre le gouvernement et les Taliban. 4 – Les talibans reconnaissent la légitimité du gouvernement et acceptent de coopérer. 5- Les talibans cessent toutes mesure de représailles contre les barbiers et les vendeurs de musique. 6 – Les talibans ne peuvent pas montrer leurs armes en public. 7- Les talibans ne peuvent pas posséder de lance roquettes ou de mortiers. 8- Les talibans ne peuvent pas avoir de camps d’entrainement. 9- Les talibans doivent dénoncer les operation suicide. 10- Il est interdit de financer une milice privée. 11- Les talibans doivent coopérer totalement avec le gouvernement pour vacciner contre la polio. 12- La Fadlulalah madrassa, l’école coranique Taliban, doit devenir une université islamique. 13- Les radios Taliban doivent être sous controle. 14- Les Taliban doivent laisser les femmes travailler sans peur.
Dès la signature des accords, les Taliban ont commencé a harceller les femmes, les petites filles qui allaient a l’école, les barbiers et les vendeurs de musique. Les responsables des campagnes de vaccinations ont été expulsés de la province. Les policiers étaient régulièrement pris en otage s’ils se permettaient de défendre les fillettes. Abandonnées par les autorités pakistanaises, les populations locales se sont retrouvées sous le joug des talibans. En l’espace de six mois, toutes les écoles pour filles ont été réduites en cendre et une partie de la population s’est déjà exilée.
En réaction, certains villageois ont mis en place des milices anti-taliban pour permettre aux filles d’aller a l’école, le libre accès aux cliniques et aux cybercafés. Le 14 août 2008, dans la région de Swat, six talibans ont ainsi été tués par des miliciens après qu’ils aient attaqué le poste de police de Buner. Rauf Khan, maire de Buner, avait déclaré : « Nous sommes à l’avant garde, d’autres vont nous suivre ».
Mais du côté des grandes villes pakistanaises, aucune réaction. Jusqu’à présent, tout le monde se contentait d’une situation mixte : les pleins pouvoirs aux talibans quand ils arrivaient dans un village, et un pouvoir partagé quand ils acceptaient de venir sans armes dans un tribunal.
Le 16 février, tout a réellement changé. Au lieu d’attendre un improbable cessez-le feu pour livrer les populations aux taliban, le gouvernement d’Islamabad a demandé à l’armée de ne plus intervenir, même quand ils étaient pris pour cible. Une débacle sans condition.
Caroline Fourest et Fiammetta Venner
Encadré
En attendant la vraie charia
Deux jeunes étudiantes-infirmères chrétiennes viennent d’être accusées de blasphème à Lahore. Si la loi est appliquée, elles risquent la peine de mort. Leur crime : avoir affiché dans leur école une image du Christ crucifié. Selon le Coran, le Christ n’est pas mort en croix et, de plus, il est interdit de représenter un prophète de l’islam. Selon la commission Justice et paix de la conférence épiscopale pakistanaise, 650 personnes ont été arrétes pour blapshème depuis 1988. 80 chrétiens sont encore en prison. 20 personnes ont été tuées par la population. La plupart des victimes sont des Ahmadi, une secte issue de l’islam non reconnue par le Pakistan. Considérés comme non musulmans, ils sont régulièrement accusés de blasphéme.
CF et FV