Emmanuelle Mignon, l’inspiratrice du chanoine de Latran

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On la présente comme le cerveau de Nicolas Sarkozy. L’hémisphère catholique, l’auteure du discours de Latran et de déclarations controversées sur les sectes, pilotait déjà Nicolas Sarkozy dans le sens du bénitier lorsqu’elle était sa conseillère technique au ministère de l’intérieur.

Le mal a empiré lorsqu’elle est devenue directrice de cabinet à l’Elysée. Jusqu’ici, on la connaissait essentiellement pour deux dossiers : la double peine et le plan banlieue. Quand Sarkozy veut réformer la double peine (mais pas trop), cette maître des requêtes au Conseil d’État préside une commission estimant que cette double peine n’était pas « contraire au principe d’égalité ». Quand Fadela Amara peine à accoucher d’un Plan Banlieue qui tienne la route, elle est chargée de pondre une copie de remplacement, baptisée plan « Espoir Banlieue ». Tout un programme quand on sait que chez Nicolas Sarkozy, l’espérance est toujours plus spirituelle que sociale. Et qu’Emmanuelle Mignon est pour beaucoup dans cette inspiration.

Cette Major de l’Ena (René Char, 1995) est passée par les Scouts unitaires de France, dont le fanion est une fleur de lys. Elle ne le cache pas, plusieurs de ses amies ont échoué au monastère de Paray le Monial, le bastion des catholiques charismatiques. Et visiblement, elle a gardé des liens avec ce milieu. C’est elle qui a mis le ministre de l’intérieur en relation avec un ancien ami scout, Philippe Verdin, devenu entre-temps prêtre Dominicain. Elle aussi qui propose à Sarkozy d’écrire un livre sur le religieux, sans trop osé y croire. Sarkozy adore l’idée et le livre — un véritable réquisitoire contre la laïcité à la française — paraît aux éditions du Cerf en 2004. Dans ce livre, le ministre de l’intérieur n’a pas de mot assez enthousiaste pour décrire le « dynamisme évidemment positif » des évangélistes et des « nouveaux mouvements spirituels » (que des associations de vigilances appellent plutôt des sectes).

Bien sûr, quand Sarkozy s’apprête à voir le pape, c’est elle qui dirige la plume. On lui doit notamment cet inoubliable passage : « dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé ». Et quand après le Vatican et Ryad, Sarkozy va faire un tour au CRIF pour équilibrer, c’est encore elle que l’on voit monter au créneau pour défendre l’idée — très controversée — de faire parrainer des enfants juifs morts en déportation par des élèves de 10 ans.

Chargée du verrouillage de l’information, elle avait écrit en décembre une note à l’intention des conseillers du président pour leur interdire toute communication extérieure sans autorisation exceptionnelle. Visiblement, elle ne se l’est jamais envoyée.

Fiammetta Venner, extrait de Charlie Hebdo de février 2008