Quand Gérard Bessière, prêtre octogénaire de Luzech, petite commune du Lot, a compris que Benoit XVI allait réintégrer les intégristes, il n’a vu qu’une solution : l’excommunier. Il faut dire que ce pape accumule les « ruptures » propres à énerver les catholiques qui ont un tant soit peu le goût de la démocratie.
Rupture avec le dialogue interreligieux, d’abord. Chacun en a eu pour son grade. Les musulmans ont compris depuis le discours de Ratisbonne qu’ils n’étaient bons que pour le jihad. Les églises protestantes ont appris qu’elles n’étaient pas des églises sœurs, car celà pourrait impliquer l’égalité, alors que l’Eglise catholique détient seule la « Vérité ». Quant aux juifs, ils ont saisi l’idée générale depuis la réintroduction de la prière pour la conversion des juifs…
Rupture avec Vatican II ensuite, avec la réintégration des évêques qui se sont écartés de l’Église a cause de ce concile du démon. Benoit XVI ne pouvait pas ne pas connaître l’antisémitisme de Williamson. Ce genre de position est monnaie courante chez les intégristes. Il pouvait d’autant moins l’ignorer qu’il avait mené les négociations lors du schisme. À moins, bien sur qu’il n’ait un problème de mémoire, ce qui, pour un pape allemand, est assez problématique…
Du coup, le père Gérard Bessière a remis à la mode une blague de potache version séminaire : « Dans les églises anciennes, quand il y avait des chamailleries, on cessait de faire mention pendant la messe des camarades avec lesquels on était en pétard ». Le pape devrait être content, ce curé de province remet à la mode une pratique ancestrale. D’ailleurs, les intégristes y ont joué depuis 20 ans. Jean-Paul II n’étant pas assez réac à leur goût, ils avait décidé de se nommer les « sedevacantistes », de l’expression « le siège de Pierre est vacant ». Car pour les fans de la messe en latin, avec Vatican II, Pierre avait laissé la place au diable.
Gérard Bessière a bien raison. Les cathos n’ont aucune raison de céder la légitimité aux seuls intégristes. Dans une lettre qui fait le tour du monde, le curé écrit : « J’ai excommunié Benoît XVI. J’ai excommunié le pape alors que lui venait de lever l’excommunication des évêques intégristes. Depuis fin janvier, j’ai cessé de nommer l’évêque de Rome dans la prière eucharistique. Pendant la messe, je fais une parenthèse… »
Et les raisons d’agrandir la parenthèse s’accumulent. Alors qu’il visite un continent africain décimé par le sida, Benoit XVI ne trouve rien de mieux que d’expliquer que le préservatif aggrave le problème. Alors qu’un évêque brésilien vient d’excommunier la mère d’une fillette de neuf ans violée parce qu’elle l’avait fait avorter, le pape enfonce le clou : il réprimande les pays africains favorables à l’avortement, y compris dans le cas de viol et d’inceste.
Selon un sondage CSA, 55% des catholiques français ont une mauvaise opinion de Benoît XVI. Oui, Gérard Bessière a raison, il faut excommunier le pape. À moins que, d’ici la semaine prochaine, le pape ait décidé d’excommunier les catholiques.
Fiammetta Venner