« Il faut renverser ce gouvernement de traitres qui cherche à faire un coup d’etat » a expliqué un porte-parole du Hezbollah.

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Rétablir son autorité sur le territoire est donc « un coup d’Etat ». Ce n’était pourtant pas grand chose. Lasse de circuler en voiture blindée pour échapper aux escadrons de Damas, la majorité anti-syrienne a demandé que le chef de la sécurité de l’aéroport ne soit plus aux ordres du Hezbollah. Elle a également réclamé une enquête sur un réseau de télécommunications alternatif offert par l’Iran. Il permettait d’écouter chaque libanais, boucher, surfeur ou ministre. Une « déclaration de guerre » a même déclaré Hassan Nasrallah. En quelques heures, la seule milice non désarmée depuis la fin de la guerre civile a envahit Futur TV, télévision proche de la famille Hariri, s’est servie de son réseau de télécommunications parallèle pour commander ses troupes, s’est déployée dans Beyrouth Ouest, a coupé les communications (hormis les siennes), les liaisons terrestres et l’aeroport. Effet réussi au centre de Beyrouth. Mais de violents combats ont pris le relais à Choueiffat, zone tampon entre Beirut et la montagne druze, ainsi qu’à Tripoli. Selon un plan de bataille visiblement bien préparé. Tandis que les chaines de télé parlaient d’un retour aux affrontements interconfessionnels, les beyroutins avaient plutôt l’impression d’assister au deploiement professionnel d’une armée surentrainée Une impression corroborhée par Al Mustaqbal. Le 14 mai, le journal libanais révélait qu’une réunion visant à préparer cette crise s’est tenue en présence de gardiens de la révolution iraniens, du Hezbollah et les groupes chiites irakiens.

Malgré l’inquiétante démonstration de force, les chaines de télé françaises ont continué à désigner le Hezbollah comme un « mouvement issu de la resistance », tout en qualifiant la majorité parlementaire de « gouvernement pro-occidental ». De quoi ravir les militants des Indigènes de la République qui ont défilé le 8 mai dernier sous des pancartes rendant hommage à Nasrallah… Même au Quai d’Orsay, le Hezbollah est considéré comme un partenaire légitime. Qu’importe les otages français des années 80, les attentats suicides de 1983 ayant frappé l’immeuble du Drakkar qui abritait les forces francaises d’interposition (58 parachutistes tués dans l’effondrement de l’immeuble du Drakkar). Qu’importe qu’encore récemment, la milice s’est permise d’arrêter et de retenir le délégué représentant du Parti socialiste français à l’Internationale, Karim Pakzad.

C’est que le Parti de dieu est en position de force. La lune de miel entre le Hezbollah, la Syrie et l’Iran est scellée par l’argent et l’instabilité politique. Non seulement, le Hezbollah est entrainé par des formateurs iraniens, mais toute sa force sociale et caritative tient à la perfusion financière de l’Iran et de la Syrie. Si par miracle, un Etat de droit parvenait à s’instaurer au Liban, si l’armée multiconfessionnelle sillonnait l’ensemble du territoire en toute sécurité, l’existence même de cette milice religieuse n’aurait plus aucun sens. L’Iran et la Syrie perdraient leur capacité à susciter le chaos, donc à négocier sur certains dossiers génants. Si le Hezbollah ambitionnait sincèrement d’être un parti parmi d’autres, le parti de Dieu n’aurait jamais choisi de tourner ses armes contre d’autres libanais, au risque de perdre la stature de résistants gagnée en 20 ans de guerilla contre Israël. Même les chrétiens s’étaient sentis solidaires pendant la dernière invasion de l’enemi juré ! Mais le Hezbollah s’en moque. Avec ce coup de force, il a montré à ceux qui en doutaient encore qu’il suffisait d’un ordre de Téhéran pour transformer le Liban en République islamique. Le Hezbollah n’est pas un parti mais une milice, l’avant poste de l’Iran et de la Syrie à la frontière israélienne sur une terre qu’ils n’ont jamais aimé.

 

Fiammetta Venner